Taschen Now!

En parlant avec les gens autour de moi, je me suis récemment rendue compte que peu de personnes connaissent les éditions Taschen, nom qui m’est pourtant familier depuis quelques années et que je considère aujourd’hui comme la référence en matière de livre. En réalité, tout le monde connaît les livres de cette édition, mais l’alchimie qu’elle a opéré sur moi n’a apparemment pas fonctionné sur les gens au point qu’ils aient retenu ce nom. Taschen, c’est les séries « Now ! », avec entre autres « Architecture Now ! » et « Art Now ! », mais c’est aussi les reconnaissables « 1000 Chairs » ou encore « 1000 Record Covers ». C’est encore les collections de livres d’art Basic Art, où chaque volume est centré sur un artiste précis, et Basic Genre, traitant d’un style artistique donné. Taschen est également connue pour les quelques boutiques ouvertes principalement en Europe et aux Etats-Unis, et présentant toutes une architecture intérieure remarquable, comme celle située Rue de Buci à Paris et designée par Philippe Starck lui-même.

Cette maison d’édition a été créée en 1980 par un jeune allemand, Benedikt Taschen, dans le but initial de publier des collections de bande dessinées destinées à un public d’amateurs. Afin de se développer, Taschen a rapidement décidé de prendre une voie plus large en publiant des livres d’art mais aussi des ouvrages centrés sur des sujets marginaux qui n’avaient pas leur place dans les librairies traditionnelles. Ainsi, les livres Taschen ont contribué à renforcer la visibilité de sujets comme la photographie érotique et l’art homosexuel auprès du grand public. Aujourd’hui, les exemples les plus récents de traitement de ces sujets sont les livres The Big Penis Book ou encore les photographies des deux artistes français gays Pierre et Gilles. Depuis trente ans, Taschen s’est donc construit une réputation à la fois décalée et sérieuse, voire prestigieuse. Etonnamment, le nom du fondateur « Taschen » est un mot qui signifie « poche » en allemand, ce qui a permis à la maison d’édition d’élaborer un slogan percutant en 1986 : « Ich will kein Taschen-buch.. Ich will ein Buch von Taschen » (« Je ne veux pas un livre de poche ; je veux un livre édité par Taschen » en français).

Si l’on doit résumer Taschen a quelques principes phares, on peut parler de livres innovants dans leur sujet, extrêmement soignés dans leur mise en page et surtout à des prix très abordables, même si le deuxième livre le plus cher de l’histoire de l’édition a été publié par Taschen (un livre de 700 pages sur Mohammed Ali, intitulé GOAT-Greatest of All Time, pour la modique somme de 12 500$). Alors, comment cette maison d’édition peut-elle se permettre de vendre des livres de qualité élevée à des prix si bas ? Il y a plusieurs réponses à cette question. Tout d’abord, chaque publication présente des textes écrits à la fois en langue allemande, anglaise et française, permettant ainsi de diffuser dans de nombreux pays les mêmes ouvrages sans en changer le contenu. D’autre part, le modèle économique de Taschen correspond à une gestion en flux tendus. C’est-à-dire que le groupe distribue ses livres imprimés dans de nombreux pays mais principalement en Allemagne, France et au Royaume-Uni et qu’aucune réédition ne peut être déclenchée par la maison-mère tant que tous les ouvrages n’ont pas été vendus dans ces trois pays, afin de maximiser les coûts de transports. L’impression s’effectue également en Chine pour réduire toujours plus les coûts. Enfin, la dernière raison est que nous bénéficions depuis 2005 de prix cassés mis en place pour fêter les 25 ans de Taschen mais qui continuent d’être d’actualité sur la plupart des livres, avec des prix allant, dans la majorité des cas, de 7,99€ à 39,99€.

Fort de cette notoriété auprès des publics les plus aisés comme les plus modestes, Taschen essaye pourtant toujours d’innover dans ses publications. Comme le prouve l’un des derniers produits, lancé en 2009 : le Simple Diary. C’est un carnet qui ressemble à un Moleskine mais dont les pages ne sont pas vierges : en effet, chaque page est construite sur un modèle comprenant notamment un emplacement pour inscrire la date, quelques adjectifs au choix pour qualifier la journée vécue, une citation et deux ou trois autres questions totalement déconnectée d’une réalité rationnelle. Les Simple Diaries ont pour but de permettre à tous ceux qui le souhaitent de tenir un journal quand bon leur semble, dans l’ordre ou le désordre, et de les aider avec des questions sorties de nulle part, sans logique, ou auxquelles on ne penserait pas en temps normal.

Taschen a su s’adapter aux évolutions des attentes du public, mais aussi à devenir une source à part entière de tendance et d’innovations dans l’édition. Avec cet article, j’espère avoir fait découvrir à au moins quelques personnes un grand nom de l’édition, que tout le monde reconnaît sans pour autant savoir le nommer.